ENVIRONNEMENT :
LA MERE DE TOUTES LES TEMPETES
par Andouilleuf,
paratonnerre,
pin des Landes.
Une surprise de dernière minute dans notre Millenium qui s'achevait
Comme ce premier de l'An s'annonçait terne dans les chaumières françaises ! Bien sûr, on préparait les réjouissances du passage du Millenium, comme tout un chacun dans le Village planétaire. Et comme à New-York, Berlin ou Honolulu, on s'apprêtait à faire en sorte que le siècle le plus noir des Humanité et Lapinité réunies s'achève dans la réjouissance, les feux d'artifice et les excès de table. Mais il fallait bien le reconnaître : toute cette effervescence paraissait bien terne à côté de celles de l'an passé. Fin 1998 en effet, nous nous préparions au passage à l'Euro, et ça avait autrement de la gueule. Chacun donnait ses estimations du taux de change. J'avais personnellement parié sur 6,5000, parce que comme disait le président Giscard, il fallait que ce soit un chiffre rond pour faciliter les conversions. (Pensons un peu aux personnes âgées, qui ont déjà du mal à reconnaître leurs arrières-petits-enfants, et de qui on exige qu'elles sachent faire en un clin d'œil des règles de trois acrobatiques. Cela dit, ça entretient les neurones. Y a du pour, y a du contre. Ca se discute. Mais je m'écarte.) La tension était à son comble, et quand enfin nous fûmes fixés, soulagés nous pûmes enfin nous congratuler pour une année qui s'annonçait bonne et heureuse. Et tous, lapins, humains, entonnâmes avec les manchettes de nos meilleurs journaux un enthousiaste "Bonjour, l'Euro!" C'était beau comme du Beethoven. Nous eûmes enfin le plaisir de vérifier les analyses de nos spécialistes : l'Euro s'apprécia illico face au dollar jusqu'à 1,18 dollar, et nous sentîmes à quel point nous pouvions être fiers d'être européens. C'était une merveilleuse année qui s'annonçait, après les bombances liées à son avènement. 
Or cette fois-ci, aucun de ces enthousiasmes venus des profondeurs de la société ne semblait devoir perturber la morosité de nos réveillons. Personne ne le reconnaissait, mais tout le monde aurait voulu assister encore à une de ces liesses populaires dûment programmées par nos responsables (Eclipse, Coupe du Monde de foot, Fête de la musique ou séance de vote au Parlement européen). Hélas, les réjouissances n'étaient pas au rendez-vous. Le Millenium s'achevait dans l'ennui. Quand soudain...
"Bonjour, la tempête !"
Oui soudain, sans prévenir, le temps capricieux s'invita à nos tables. Des vents s'abattirent sur nos belles contrées, hurlant, secouant troncs, clochers, moulin de Valmy, basculant tout sur son passage, déracinant les terriers, cassant les antennes paraboliques qui priveraient du direct des capitales étrangères pour la fête mondiale, coupant l'électricité nécessaire à la cuisson des dindes et à l'éclairage de la piste de danse du Macumba de Bordeaux-Mérignac, tuant enfin d'innocentes bestioles qui ne demandaient qu'à assister aux premières minutes d'un siècle neuf comme l'œil d'un enfant. Ç'aurait été à pleurer de rage, si plus que jamais l'heure n'avait été à la solidarité pour la reconstruction des maisons et des instincts de fête.
Une solidarité de tous les instants et un service public exemplaire
Car en ces circonstances difficiles, nous apprîmes à reconnaître nos vrais amis. C'est dans l'épreuve que l'on apprécie le mieux la valeur de certains.
1. La qualité du service public. À tous ceux qui vilipendent le service public et qui réclament moins d'État à tout propos, les suites de la tempête n'ont pu qu'intimer l'ordre de manger leur chapeau. Ils avaient eu tout faux. Les agents d'EDF, mobilisés et enthousiastes, se sont rendus sur le terrain au mépris des obligations de mangeaille démentielle en ces journées de trêve des confiseurs. Courageusement, ils empochèrent des primes très confortables pour venir en aide aux millions de foyers privés de la fée télévision. Et il ne fallut qu'à peine cinq semaines de coupure dans certains villages de Seine-et-Marne pour que revienne le courant et les jeux télévisés. Messieurs Madelin et consorts, vous pouvez aller vous rhabiller. Allez donc en Angleterre, où les Chemins de Fer privatisés provoquent des accidents sanglants (tandis qu'en Allemagne ou en France les lignes ultra-nationales circulent sans jamais d'ennui), allez y promouvoir vos thèses suicidaires et inhumaines : nous ne vous y suivrons pas ! Nos agents du service public restent dévoués et efficaces, sans tellement d'avantages en contrepartie. Si ce n'est pas de l'héroïsme, alors moi je ne m'appelle pas Andouilleuf! Et pourtant, si, je m'appelle Andouilleuf. CQFD.
2. La citoyenneté européenne. Autre motif de satisfaction, la solidarité européenne a joué à plein. Des équipes mexicaines et turques ont prêté main forte à EDF, des Japonais ont fourni le matériel dont nous manquions, des Canadiens ont réchauffé le cœur des enfants de France en jouant à la lueur des bougies des pièces du répertoire burlesque de ce pays. Pour tous ceux qui en douteraient encore, l'Europe c'est la paix et l'esprit d'entraide. (Voir à ce sujet un récent article dans une revue spécialisée). Et il y a quelque chose de beau à faire à nouveau ce constat dans des circonstances tellement dramatiques.
Inquiétudes pour le futur
Toutefois, dès que l'on prend du recul, et c'est un peu le travail quotidien du journaliste, les motifs d'inquiétude ne manquent pas. La science se retrouve encore une fois en position d'accusée, et la présomption de culpabilité est bien forte. Comme pour la vache folle, les OGM, Hiroshima, la listériose, le clonage ou l'expulsion des sans-papiers, il semble bien que les scientifiques aient encore voulu jouer aux savants fous (ce qu'ils sont peut-être). Les dérèglements climatiques, de nombreuses études nous l'assurent, sont d'origine humaine. Humaine dites-vous ? Entendez : technologique. Ce sont les technologies développées par les savants qui causent raz-de-marée, inondations dans l'Aude, tremblements de terre en Turquie, éruption volcanique en Colombie, famine au Soudan et dans mon estomac, et enfin, tempêtes folles dans cette merveille d'équilibre climatique et moral qu'est la France. Répétons-le, toutes les études (scientifiques) l'attestent, et celles qui le mettent en doute sont rédigées par des "scientifiques" engagés dans ces dérèglements au point que reconnaître le danger serait une sorte d'aveu. Tant que notre société n'aura pas décidé de supprimer les études scientifiques au profit de la méditation transcendentale et de la relaxation en écoutant des poèmes d'Yves Simon sur fond de musique portoricaine, il n'y aura pas de quoi se faire d'illusion.
Des raisons d'espérer
Mais ne soyons pas trop sinistres. Nous l'avons vu, l'Europe s'est retrouvée renforcée par les derniers événements, ainsi que la défense des services publics. Les mentalités changent : si cette dure épreuve a un peu contribué à faire progresser les Français les plus récalcitrants sur la voie de l'avenir, on ne peut que s'en réjouir. La science a perdu de sa superbe, les lycéens s'en détournent avec dégoût : la jeunesse nous donne encore une fois des motifs d'espoir. Réjouissons-nous, et faisons bombance avec retard pour le passage du Millenium. Préparons nos prochaines fêtes: bière de Mars, Halloween, Beaujolais nouveau ou Saint-Patrick. La fin du monde n'est peut-être pas pour demain.

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