VOYAGES :
RETRAITEES DU BASSIN D'ARCACHON

par Englouteuf Baloche,
VIP,
poète,
syndicaliste



Un rêve nommé Retraite
Qui d'entre nous n'a jamais rêvé de partir à la retraite? De tous temps, le lapin a toujours voulu goûter aux joies simples de la vie de vieux: temps libre, affection des petits-enfants, bavardage, sieste prolongée, innombrables sont les plaisirs qui s'annoncent à chacun d'entre nous, pourvu qu'il prenne enfin sa retraite bien méritée. Or, c'est ce que certains, plus avisés que d'autres, ont décidé de faire, quitte à partir avant d'avoir assez cotisé. C'est le cas de la jeune Paulette A., directrice honoraire de collège et déléguée départementale de Gironde (33), détentrice d'un abonnement à Internet depuis peu et fidèle lectrice du Journal des Savants. Paulette passe le plus clair de son temps à bord d'une de ses voitures. La retraite, c'est aussi le moment d'une plus grande autonomie et de voyages improvisés : "le matin je me lève, et avant même de passer sous la douche, j'ai l'idée d'aller faire un tour à Cahors ou ailleurs, et hop-là, ni une ni deux je saute dans le tacot et me voilà partie!" nous assure-t-elle à grands renforts de témoignages qui prouve la vérité de ses dires.

Merveilles du Bassin

Mais si elle ne dédaigne pas de revenir sur les causses lotois où elle passa sa jeunesse pas si lointaine, c'est le Bassin d'Arcachon qui a sa préférence. "J'y fais un petit tour au moins chaque semaine, dit-elle, parfois pour deux jours, parfois seulement pour dix minutes, histoire de prendre l'air, et de vérifier que les maisons sont vides." Il faut dire que le Bassin n'est qu'à une petite heure de Bordeaux, où réside notre héroïne. "Parfois je vaix faire mes courses là-bas. C'est pas que c'est moins chérot, mais je connais bien les rayons du Leclerc. Comme ça je gagne du temps." Car la retraite n'est pas ce temps où l'on gaspille les heures, désoeuvré, à regarder Derrick à la télé. "Remarquez, ça m'arrive de le regarder... Il est si beau! Et distingué avec ça. Pas comme ces petits peigne-cul qu'on nous présente, le nouveau là, Roger Hanin, pfff, ça c'est bon pour les Parisiens!" minaude-t-elle, entortillant ses doigts à la souplesse surprenante. Paulette, comme toutes les retraitées qui habitent temporairement la "Californie de France" qu'est le Bassin, est une mamie survoltée. "Depuis que mon chat est mort, j'ai bien plus de temps à moi, confie-t-elle en essuyant quelques larmes qui ne coulaient pas encore. Alors les descentes vers le Bassin, et les bronzettes à la plage, ce sont des joies que j'ai retrouvées tout récemment." La plage... telle semble être l'occupation principale de ces jeunes séniores, qui ont la vie devant elles. "Je mets une serviette et un tube d'ambre solaire dans le coffre de la Renault, et zou, en route!" Et le maillot de bain? "Dites, vous croyez tout de même pas que je me baigne pas touteu nue, non? Qu'est-ce qu'il y a, pourquoi vous faites les dégoûtés? Vous croyez que j'ai la peau toute frippée, c'est ça? Vous voulez voir?" Mais, avant qu'elle achève son déshabillage sous nos yeux effarouchés, nous changions de sujet.

Une terre d'aventures et de contrastes
"Les avantages du Bassin? D'abord, c'est high-tech. C'est pas pour rien qu'on a parlé de Silicon valley à la Française. Il y a tout là-bas: le téléphone, un fast-food, un cinéma (le week-end), un mini-golf international, et parfois on arrive même à capter FR3 Aquitaine. Ensuite c'est beau. Il y a des arbres, la mer, et plein de jolies mamies sucrées. Enfin, c'est pas loin de Bordeaux, et il y a le Leclerc." Et avant la retraite? "Eh bé? Quoi, avant la retraite?" Va-t-on sur le Bassin avant le retraite, ou bien est-ce réservé à cette sorte d'élite valétudinaire? "J'ai jamais été le valet de personne. Ceux qui ont prétendu que j'étais à leur service, ils en sont mort. Mais c'est vrai que je ne descendais pas aussi souvent dans le temps. Enfin, y a des Parisiens qui viennent de temps en temps, mais quand ils repartent, eh ben mon ami, c'est pas dommage. On préfère rester entre nous. D'ailleurs ils comprennent rien à nos coutumes. Ils connaissent même pas nos mots. On leur dit : tu t'épastrouilles, toi! Eux ils ouvrent de grands yeux, c'est nul. Nul!!!" Est-elle dans ce cas favorable à la ratification de la charte sur les langues régionales? "Je sais pas, mais ce qui serait bien c'est que dans le dico du Scrabble il y ait les mots que nous autres on connaît mais qu'on retrouve pas. Moi c'est comme ça que je les gagne, les Parisiens: avec le patois. Hé, hé!"
Et c'est sur ces mots d'hédoniste que nous laissons Paulette s'engouffrer dans sa puissante voiture neuve pour s'élancer sur les routes à tombeau (grand) ouvert.



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