Déceptions à Sarcelles comme à Neuilly: la Coupe
du Monde de doudou-foot, prévue pour se tenir en nos frontières
la semaine prochaine et pendant deux jours pleins, vient d'être annulée.
C'est le président du Comité Français de Doudou-foot
(CFD) qui vient de l'annoncer:
"Après la publication des résultats des tests anti-dopage
réalisés sur l'ensemble des joueurs engagés dans la
compétition, a déclaré Monsieur Ernuneteuf, visiblement
ému, le comité a décidé, à l'unanimité
de ses deux membres, d'ajourner la Coupe du Monde, jusqu'à ce que
les résidus de produits dopants soient évacués par
les voies naturelles chez les joueurs."
Place des Abbesses, où devait se dérouler la cérémonie
d'ouverture, c'est la consternation. "On ne nous avait pas prévenus.
Moi j'avais loué un camion pour vendre des frites et des gaufres,
j'avais même pris la peine d'y installer la télé pour
les heures creuses. Voilà, c'est foutu. Tout ça pour leur
foutue goinfrerie!" disait ainsi Laurent B., petit commerçant
entreprenant au milieu d'une place aux trois-quart vide.
Car c'est du fait d'une certaine gourmandise de la part des joueurs
que les contrôles ont été si désastreusement
positifs. "Mais comment que j'aurais pu savoir, moi, qu'il fallait être
presque à jeun pour ce con de sport?" demandait à voix
basse un jeune joueur néophyte, dorénavant suspendu. Il semble
en effet que certaines des exigences du doudou-foot aient été
quelque peu méconnues par les joueurs. Rappelons pour mémoire
que le doudou-foot est ce mélange, né dans les années
90, du football, du saut à l'élastique et du bilboquet, et
qui fit fureur dans certains terriers jusqu'à son homologation par
le Secrétariat d'Etat chargé du Sport de Jeunes, en 1998.
Mais pour y être performant, nul doute que les orgies à la
veille d'un match sont très décommandées. Or, la moitié
de l'équipe de France devait déclarer forfait dès
avant la proclamation officielle du report, faute de pouvoir seulement
décoller de leurs lits. "Ce n'était pas une orgie,
prétend le capitaine de l'équipe, Enrobeuf, mais un repas
tout ce qu'il y a de simplet." Comment expliquer alors ces douleurs
tenaces au niveau du foie chez chacun des joueurs? Comment expliquer, surtout,
dans les poubelles de l'équipe, ce monceau de fânes de carottes
fraîchement découpées? A ces questions de fouille-merde,
le capitaine hausse les épaules et va se recoucher.
Dans les banlieues de France, qu'on comptait distraire quelques heures
des incendies rituels de voiture, on ne cache pas sa "haine". On
signale déjà un commissariat attaqué dans l'Eure,
et une multitude de jeunes se dirigeraient actuellement depuis la banlieue
lyonnaise vers la mairie, avec l'intention d'en découdre contre
"ce gros bidibule de Barre". Au ministère, on assure travailler
activement à une solution de rechange. Comme il semble peu probable
que le "report" de la compétition ne soit pas une annulation
pure et simple, (les lapins étant incapables de contrôler
plus d'une heure leur appétit) on parle d'organiser une compétition
départementale de marelle par des... écureuils. Mais un sport
aussi passéiste, qui plus est joué par des bêtes crétines,
risque-t-il de radoucir les jeunes et de les planter devant la télé,
avant de les précipiter chez Go Sport pour imiter leurs idoles?
Comme l'a dit l'un des plus grands philosophes encore vivants, la coupe
du monde de (doudou-)foot est le "miroir de nos vanités françaises".
En l'espèce, elle semble surtout poser un sérieux casse-tête
aux plus intelligents de nos décideurs.
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du numéro 3