NOCTURNE :
LA FETE D'HALLOWEEN, un réveillon avant l'heure
par Empailleuf,
Moraliste,
Témoin de son temps


C'est la fête! Dans toutes les vitrines, on retrouve les jolies couleurs vert, rouge et orange, comme si c'était déjà Noël! Que c'est harmonieux, que ça décore bien, comme on a envie de se précipiter dans ces magasins! Tout le monde, au premier regard se dit: ils s'y prennent tôt cette année pour Noël. Puis, on s'esclaffe; mais non, ce n'est qu'Halloween! Ou plutôt: c'est encore mieux que Christmas, c'est Halloween!!
Cette fête s'est impatronisée chez nous depuis quelques années avec un succès toujours grandissant. Partie des grands magasins, elle a conquis le coeur des petits et des grands. Désormais il n'est pas rare, tout au long de ce sombre mois d'octobre, de voir dans la rue des ribambelles de gamins de classes maternelles grimées en sorcière ou en monstre, accompagnés de leurs institutrices qui jouent des Carabosses plus vraies que nature, et qui semblent s'amuser encore plus que nous charmantes têtes blondes. Voilà des heures d'école qu'on aurait envie d'avoir eues! Car la joyeuse fête a gagné nos institutions publiques. Les écoles se parent de jolies couleurs et de jolies décorations en rapport avec la mort et les cadavres. Les bureaux de poste disposent des araignées postiches aux guichet. Les agents de la SNCF ont disposé des citrouilles un  peu partout pour égayer les files d'attente parfois longuettes. En bref, tout le service public s'est mis à l'unisson du secteur privé, pour la grande fête populaire!

La psychanalyse nous aide comme toujours à penser ce phénomène. Interrogée à ce sujet, la célèbre Elizabeth Roudinesco nous répond ceci:
"Halloween c'est la fête des morts. C'est l'occasion ou jamais de faire le deuil. Deuil de quoi? Des morts, ou des futurs morts que nous sommes tous appelés à devenir. Car nous sommes mortels, comme disait mon maître David Copperfield. Donc nous prenons le deuil. Or, ce qu'il y a de particulier, c'est que nous ne nous habillons pas de noir, mais de citrouilles. Remarquez que nous pourrions peindre la citrouille en noir, mais là mes capacités de réflexion se heurtent à leur limite naturelle. Donc la citrouille est orange. Ce qui se passe, c'est qu'on exorcise nos frayeurs d'enfance, c'est-à-dire, selon le jargon (pardonnez-moi, je ne peux pas l'éviter), nos frayeurs de quand est-ce que nous-autres on était toupitits, en riant de la mort. Alors que d'habitude on pleure. Cf. Sophocle et sa tragédie Miracle à Broadway. D'où il ressort que cette fête est appelée à devenir un gros gros succès, passqueu il y a un besoin. Or l'économie nous enseigne que un besoin eh ben c'est fait pour être euh, comment on dit, euh... oui, comblé, merci. Voilà. Des questions?"

Tournons-nous vers la sociologie à présent. Le célèbre professeur Enchanteuf (Univ. de Beurk-Laid) analyse tout ce qui se passe.
"Je croise tous les jours des citrouilles. Ca me rappelle le temps de mon enfance, quand j'habitais pas loin d'un champ. Mais les citrouilles de par chez moi, elles étaient bien plus petites, je sais pas où ils trouvent ces monstres. Bon, après les citrouilles on en faisait des confiotes chez moi, c'était la Mère-Grand qui touillait. D'ailleurs son mari le lui disait tout le temps: "Faut touiller, Emmanueuf!" Alors elle touillait, touillait... C'était pas très bon, mais vous avez déjà essayé de bouffer des sapins de Noël vous? Eh ben, alors? Pourquoi qu'on se forcerait à bouffer ça, les citrouilles, si c'est pas fait pour ça? Déjà qu'il va falloir se farcir les galettes des rois! Il va encore falloir que je triche pour avoir la fève, en prétextant que j'adore la frangipane, donc que les autres ont qu'à se partager la croûte entre eux. Mais c'est pas une vie, ça, de bouffer les trucs de fête. Non."

Les esprits s'échauffent, le ton monte: on le voit, la fête d'Halloween a conquis le coeur des Français, et tout le monde s'en félicite. Merry Halloween!



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