INTERNET :
COMMENT OUVRIR VOTRE STARTEUPE ET GAGNER PLEIN D'ARGENT
par Michèle,
pétitionnaire de principe,
animatrice de l'association "Aidez les Citrouilles !"

 
Qu'est-ce qu'une starteupe ?
La question du mot
Certains puristes ont reproché à ce nom ses sonorités un peu anglaises. On ne sait pas ce qu'il leur faut ! Ils ont proposé "gazelle" ou "jeune pousse" pour remplacer un mot déjà utilisé par tout le monde. Reconnaissons-le : nous y perdrions en franchise et en efficacité. Autant aller prétendre que holdeupe, pickeupe ou houlahoulaheupe ne sont pas de chez nous. Derrière ces problèmes de langue, on le sent bien, ce sont toujours les frilosités, les terreurs vis-à-vis de l'Autre qui sont à l'ouvrage. Mais nous savons depuis Auschwitz et l'élection de Jörg Haider que la guerre des mots n'est pas innocente : on commence par brocarder un mot soi-disant étranger, on termine par expulser manu militari les sans-papiers de Saint-Bernard. Oui, Messieurs les tenants d'une langue aussi pure sans doute que vos gènes, nous savons où vous entendez nous entraîner !
La question du sens du mot
Ces précisions lexicales ayant été calmement apportées, il convient de s'intéresser à la signification de la starteupe. En effet, certains paysans de Basse-Lozère et d'ailleurs ont été signalés à notre rédaction comme ne connaissant pas encore ce que cela veut dire. Après leur avoir demandé courtoisement mais fermement ce qu'ils foutaient sur le web nom de Dieu, nous leur expliquerons ceci : (musique)
La starteupe, c'est l'Avenir. C'est la jeunesse audacieuse qui crée et s'émancipe de notre monde enkisté de vieillards souffreteux. C'est le signe d'une aube de progrès, d'un développement ininterrompu, d'une paix sociale. C'est l'hirondelle qui annonce le printemps. La starteupe enfin, c'est ici et maintenant : c'est notre aujourd'hui, et pour tout le Millénaire au moins.
 
Comment financer sa starteupe ?
Tous ces préliminaires réglés, tournons-nous vers les questions techniques que pose cette nouvelle forme de citoyenneté. Premier problème : où trouver l'argent ? Pour cela, il faut que vous trouviez un bon gestionnaire de capital-risques. Après des années perdues, la France est en ce domaine en passe de rattraper son retard sur l'Allemagne et le Botswana. Demandez simplement au banquier le plus benêt possible de quoi financer un site fun à fort potentiel d'appréciation. C'est bien le diable s'il vous refuse un crédit digne du Crédit Lyonnais dans sa grande époque. N'acceptez rien à moins de 25 millions (d'euros, s'entend. Il ne manquerait plus que l'on se mette à parler ici en langue des péquenauds.) Si l'on hésite, si l'on fait mine d'abaisser vos ambitions, ayez l'air juvénile et impétueux. Vous êtes un très jeune loup, rappelez-vous. Trichez sur votre âge au besoin. Les prothèses capillaires sont à présent tout à fait convenables : annoncez 22 ans. Dites fièrement que votre projet répond à une attente du public, parlez franchement (mais sans entrer dans aucun détail) des opportunités à saisir, des deals à conclure et des challenges à relever, des marchés en explosion, de votre entrée en bourse, des stock-options répartis équitablement, des hiérarchies abolies pour que ce soit plus sympa, convivial et studieux, de votre studette au Silicon Sentier qui sert de local de départ, de vos diplômes enfin et de vos stages dans des cabinets de consulting. Si tout ce déballage ne suffit toujours pas à effacer la moue du banquier, levez-vous en chien fou que vous êtes, dirigez vous vers la porte d'un air offensé : on vous rappelera, et votre ligne de crédit sera ouverte à vos conditions. Vous aurez mis le banquier en poche.
 
Que faire de sa starteupe ?
Ouf ! le plus dur est fait. Vous voilà sorti de la banque, des millions virtuels en poche, et vous pouvez enlever votre moumoute, plus personne ne vous regarde. Il ne reste plus qu'à faire semblant de les mériter. 

Enfin, remarquez, est-ce bien nécessaire ? Le capital-risque, c'est fait pour être risqué. Il y a des ratages. Au fond, n'est-ce pas, ce qui compte est que vous vous en mettiez dans un premier temps plein les fouilles, puis que votre piteuse tentative, qui n'aura produit pendant des mois que du vide bruyant avant de s'effondrer sous la menace des huissiers dépêchés par votre banquier (las, comme vous-mêmes et vos salariés-copains-copines, d'attendre d'autres profits que ceux de sa propre caisse) n'apparaisse plus dans votre vie que comme une ligne soulignée en gras dans votre CV. "Ouiche, j'ai fondé ma boîte, mais le marché n'était pas assez mûr. Aujourd'hui je m'y prendrais différemment." Votre succès est assuré, et auprès d'une entreprise qui (par chance) n'aura pas résolument à compter sur vos compétences pour son développement propre, mais fera semblant d'être intéressée par votre "fascinant esprit d'initiative". Ne vous tracassez donc pas. Achetez un site au nom grotesque (youplaboum.com, jeveuxacheterdeschoses.com, laboutiquedesniaiseries.com) et feignez d'y faire autre chose que vous y tourner les pouces en mangeant des pizzas livrées à domicile. Laissez couler le temps. De toute façon, vous n'avez rien promis. Vous vivez en ne fichant rien, c'est déjà splendide.

Pour vous, cela se sera appelé le risque : vous aurez été, à votre manière, un aventurier. Car les Indiana Jones de notre temps se recrutent en première année de HEC, dans ces charmantes chambres doubles que l'on appelle les "co-douches". Votre vraie vie, c'est là qu'elle commence, et que s'impriment en lettres de feu votre destin et le Curriculum Vitae de vos futurs 30 ans. Vous serez un gagneur. À condition, naturellement, de suivre mes conseils préliminaires, et ceux plus développés que je vous propose par ailleurs.
 


 
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