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D'emblée, la petite bourgade de Parly-2 étonne et fascine
le visiteur. Astucieusement disposée à cheval sur une autoroute,
elle s'offre au touriste qui n'envisageait pas de la visiter et qui ne
peut en fait manquer de le faire. D'autant que le TGV Paris-Lyon la dessert
particulièrement bien, puisqu'il traverse à ciel ouvert le
centre-ville plusieurs fois par jour. Au curieux que les particularités
de ce village bien sympathique attireraient, il suffirait pour assouvir
son désir de tirer le signal d'alarme du train pour aller flâner
dans les ruelles pittoresques du lieu. Ou bien, si cette acte puni par
la loi et la morale commune le gêne, il n'est que de sauter en marche
depuis un marchepied. Le train ralentit en effet jusqu'à 150km/h
seulement au passage dans la ville, et ceci depuis l'année dernière
où le nombre de ménagères de moins de 50 ans écrasées
les jours de marché atteignit des valeurs délicates. Mais
c'est sans conteste par la route que l'on recommande d'habitude de venir
à Parly-2. La sortie la plus proche n'est qu'à 30 kilomètres,
et le détour vaut qu'on le fasse. C'est à la sortie de l'autoroute,
juste avant ce charmant village ensoleillé au bord de la Sambre,
que je vous emmène aujourd'hui. |
Le panneau avec une fourchette et un couteau me l'annonce
: on approche d'un lieu de mangeaille. Je demande à Régis
si on peut s'arrêter à cette aire d'autoroute, il me l'accorde
d'autant plus vite qu'il meurt de faim autant que moi. Comme de juste,
l'aire porte le nom poétique d'Aire de Parly-2/Vélizy-Nouveau.
Nous trouvons enfin une place sur l'immense parking. Il faut dire que nous
voyageons un jour de grand départ pour les sports d'hiver. «Alors
que nous, Modeste, on part pour les sports cérébraux»
me dit Régis, et je ris de bien bon cœur. Car nous allons en effet
nous fatiguer les neurones lors d'un congrès de médiologie
dans la bonne ville de Lyon chère à Régis Debray,
Raymond Barre et Michel Noir. Après quelque dix minutes de marche
de notre voiture jusqu'au restoroute, ce qui nous ouvre encore plus l'appétit,
nous pénétrons dans la gigantesque halle qui abrite ce lieu
de boustifaille. C'est un de ces endroits qu'on appelle caféteria
(ou cafèt, pour les initiés). Avant, quand on avait pris
son plateau, il suffisait de suivre la file et de remplir de bouffe son
plateau le long d'un chemin tout tracé. Maintenant, le chemin est
devenu aléatoire. Pour ou contre ?
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POUR OU CONTRE LA NOUVELLE CAFET' ?
Régis : C'était mieux avant.
Modeste : Oh, non, moi j'trouve que c'est pas mal comme ça.
Régis : Ben non, pourquoi ?
Modeste : Tu vois Régis, moi je trouve que ça
met de l'interactivité. On décide où qu'on veut aller
soi-même tout seul. Si tu veux pas d'entrée, tu passes pas
devant les entrées. Si tu veux pas de fruits, tu passes pas devant
les fruits. Si tu veux pas de salade,
Régis : Oui mais on se bouscule, ça va dans tous
les sens, moi ça me donne la pellagre !
Modeste : ... tu passes pas devant la salade, si tu veux pas
de grillades, tu
Régis : En plus je suis toujours sûr d'oublier
quelque chose. Il faut toujours que je revienne quand je suis à
la caisse, et je gêne tout le monde et la caissière me fait
les gros yeux...
Modeste : ...passes pas devant les grillades. Si tu veux plein
de frites, tu repasses trois fois devant les frites et tu te fais resservir
des portions énormes. Si
Régis : Et puis c'est dingue ce truc ! Au lieu de faire
une fois la queue, on la fait à chaque stand ! Non mais tu te rends
compte?!
Modeste : tu veux quelque chose et que tu changes d'avis tu
vas le reposer après avoir vidé la moitié de l'assiette,
si tu veux goûter la charcuterie étalée sans personne
qui la surveille,
Régis : Sans compter que c'est pas très hygiénique
tout ça. N'importe qui peut se moucher dans une feuille de laitue
et la reposer discrètement à côté des fruits
de mer, ni vu ni connu j't'embrouille.
Modeste : ... hop tu fauches le chapelet de chipolatas et tu
dévores tout ça discrètement. Si tu veux tester la
mousse au chocolat et la tarte tatin avant de payer, tu...
Régis : Bon c'est pas tout ça, il faut qu'on prenne
un plateau maintenant. Je crève la dalle, moi.
Modeste : Oui. On se retrouve à la caisse, Régis.
Régis : Dac, Modeste. |
Régis et moi avons un peu les mêmes goûts
culinaires. Sans doute les vieux compères qui réfléchissent
ensemble finissent-ils par se ressembler en tout. Aussi nos menus sont-ils
rigoureusement identiques, et sans concertation de part ou d'autre. Détaillons
un peu.
Entrée : tranche de jambon blanc, petit bloc de beurre, demi-cornichon
(11,80f). |
Le cornichon manque un peu de fermeté et semble dater de quelques
jours. Mais la tranche de jambon, une fois qu'on en a ôté
les bords raccornis, s'avère succulente, à la réserve
près d'un morceau de nerf un peu trop dur dans la tranche de Régis,
qui l'oblige à retirer quelques instants son dentier. Le petit pain
ellipsoïdal fourni avec (2,50f) se prête très bien à
l'étalement du beurre. Sauf que je m'en suis mis plein les poils
dans la main. |
Plat de résistance : raviolis à la sauce tomate, accompagnés
de frites jaunes (48f. Compter 30f de plus pour les cinq poignées
supplémentaires de frites.) |
Les raviolis ne sont peut-être pas des boîtes. Les frites
sont tout à fait correctes, mais la végétaline leur
donne un arrière-goût d'huile de vidange. «Ça
me fait penser, Régis, tu as pensé à faire réviser
la bagnole?» |
Vin d'accompagnement : pichet d'un demi-litre de rosée Soleil
de Provence (35f). |
Rafraîchissant sur le coup, à condition de le picoler
glacé. Puissants maux de tête après, surtout quand
j'impose à Régis de pas en boire parce que c'est lui qui
conduit. |
Fromage : portion de camenbert (12f). |
La pâte est tout juste insipide comme il faut. Beaucoup d'affinités
avec les frometons Leader Price. |
Dessert : œufs à la neige (21f). |
La crème a tourné, nous sommes obligés de la laisser.
Une mouche flotte dans la coupe de Régis, ce qui me fait rigoler,
et lui aussi. Nous jouons à Coule-la-mouche : avec nos pailles-chalumeaux
nous soufflons dans la crème pour la recouvrir. Noius en mettons
partout, la cravate de Régis est bonne pour la teinturerie. |
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Nous nous sentons tellement bien dans cette ambiance conviviale,
que nous nous affalons à nos places, écoutant le babillement
mélodieux des bébés qu'on oblige à ingurgiter
après des dix heures de voiture, respirant le parfum suave des hamburgers
(spécialité du lieu) et des merguez à l'ail. Nous
nous sentons tellement bien, que nous nous mettons spontanément
à parler médiologie : «Dis Régis, tu as vu
depuis l'autoroute, au bled il y a un bistrot dans le centre commercial
qu'a l'air sélect. On y va voir un peu, moi ça fait soif!»
Régis me répond sur le même ton docte et puissant qui
le caractérise, mais une hôtesse nous apprend aimablement
que nous avons écoulé les 22 minutes qui nous sont impartis,
et qu'il y a des gens qui attendent, et qu'il faut pas se gêner non
mais prenez votre temps mais c'est un monde ça madame. Nous décidons
donc de lever le camp, et d'aller visiter les curiosités touristiques
de la bourgade. Nous retardons d'autant notre arrivée à Lyon,
mais la culture n'attend pas.
Un bon repas, pas cher, et une visite pédagogique
pour aider à la digestion : qui dit mieux ?
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Le Fast-Burger de Parly-2 (rien à voir avec
le ministère du budget), sortie Parly-2/Vélizy-Nouveau, autoroute
Paris-Lyon. Compter 100 francs pour un repas à la carte. Il n'y
a pas de menu, sauf pour les chiens et les enfants.
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