GASTRONOMIE :
LE DEBAT SUR LA MALBOUFFE EXPLIQUE AUX PETITS
par Modeste Mignon,
titulaire de la carte de presse,
gastronome en culottes longues qui lui remontent au-dessus des oreilles.


Le débat sur la malbouffe a pris ces dernières semaines un tour passionnel. Mais au fur et à mesure que se rapproche l'échéance des réunions de Seattle pour le Round du Millénaire, les enjeux deviennent de plus en plus obscurs, et les positions des uns et des autres fluctuantes. Aussi je me propose de mettre les poings sur les hanches, afin que tout le monde comprenne de quoi il s'agit.

Qu'est-ce que la malbouffe?
On appelle malbouffe tout ce qui est bouffe et mal. Ce nouveau néologisme récent est bien utile dans les situations les plus diverses. Exemple pratique: vous êtes au restaurant, et vous trouvez que ce que vous avez dans votre assiette est exquis. Moi qui ne suis pas très difficile, ça m'arrive très souvent. Du moment que c'est abondant et que ça me fait pas tout de suite rendre, je suis bien content. C'est d'ailleurs pour ça qu'Empireuf et Englouteuf Baloche m'ont confié cette rubrique. D'ailleurs le proverbe ne dit-il pas "estomac délicat, pouah"? Pour en revenir à notre exemple, vous appelez le garçon, et vous lui dites, avec un bon sourire "Voilà qui n'est pas malbouffer, mes félicitations au chef." Les litotes font toujours de l'effet. Comme dirait Jean-Pierre Milovanoff, "Je ne te hais point, va!" On voit dans ces exemples au style impeccable tout l'usage qu'on peut faire avec des tournures élégantes, pourvu qu'on ait du style évidemment. Mais c'est pas donné à tout le monde.
On utilise actuellement ce mot pour désigner au sens large tout ce qu'on trouve franchement imbouffable. Moi je digère pas bien les rollmops. Quand Régis me dit "Modeste, ça te dirait une orgie de rollmops après cette partie de billes?" je lui réponds à chaque fois "écouteuh, Régis, tu sais bien que moi les rollmops je les malbouffe, quand mêmeuh! En plus on a du travail, moi j'ai pas fini mon article des Cahiers sur la salaison des peaux de daims en Laponie. Ou alors, si tu veux on la fait ton orgie, mais avec des frites. Comme ça on va bienbouffer. Mais en vitesse alors, hein, pas comme la dernière fois." Rassurez-vous, on arrive toujours à s'entendre, et l'équipe des Cahiers nous rejoint dans un festin médiologique qui dure jusque tard dans l'après-midi.

Les tenants de la malbouffe
Il y a des gens, comme ça, qui pensent qu'à nous faire malbouffer. Le dernier exemple en date est bien sûr le cheval de Troie de l'impérialisme anglo-saxon, je veux parler de McDonald. Ces ordures nous prennent en traîtres: devant leurs affiches dégoulinantes de ketchup et de petits oignons sur de la viande de lombric agglomérée, qui pourrait résister longtemps à pousser la porte d'un de ces magasins à l'effigie de Ronald McDo? Pas moi. Enfin, jveux dire avant la campagne d'information menée par la Confédération paysanne. Maintenant, je sais que c'est la malbouffe. Et quand j'y vais, je m'engonce dans un imper et je mets des lunettes de soleil. Il faut surtout pas que je me trompe, parce que c'est un piège. Quand la serveuse me dit "alors Modeste, je te remets la même chose que tout à l'heure?", je dis "oui, la même chose, mais je suis pas Modeste. Enfin, si, je suis modeste, mais je, enfin, tu comprends, euh, vous comprenez mademoiselle" Le temps que j'aie fini ma phrase, j'ai entre les bras un plateau croulant de frites et de super-hyper-méga-big-macs. Je vais m'asseoir dans un coin, et je malbouffe tout ça en vitesse.
Ces lâches profitent d'une gourmandise bien innocente pour nous refiler leur saloperie. Moi je suis pas dupe. C'est pas parce que c'est bon que c'est bien. D'ailleurs on dirait la mauvaisebouffe s'il s'agissait de ça. Si on parle de malbouffe, c'est parce que la bouffe il faut que ce soit moral. Pour être vertueux, il faut bienbouffer.

la contre-offensive
Depuis que José Bové m'a ouvert les yeux, je suis tout bouleversé. Au début je n'y croyais pas, puis des amis se sont chargés de me convaincre. J'ai adhéré à la Confédération péquenaude, et je ne l'ai plus regretté. Depuis que j'y suis, il ne m'arrive que des bonheurs. Je suis gavé comme une oie dans des fermes où je passe exprès à l'heure d'un goûter. Je montre ma carte de membre, et on m'ouvre le garde-manger, où on bienbouffe comme quatre. J'ai pris quelques kilos et de nouvelles formes qui vont bien à mon pelage et font plaisir à voir. La fortune m'a assailli d'un coup. J'ai gagné au loto, au PMU, au loto sportif et au jeu de grattage de Leader Price. Je suis heureux, et même bienheureux.
Vous aussi, vous pouvez avoir beaucoup de bienchance et de bonnebouffe. Il vous suffit d'envoyer ou de renouveler votre cotisation auprès de bon-José bien-Bové, Conférence de l'OMC, Seattle (Etats-Unis).



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