GASTRONOMIE
L'ORIENT EXPRESS


Par Modeste Mignon,

Ancien élève de l'École des Petites Mines (promotion 99)


On néglige trop ces petits magasins de quartier qui servent une mangeaille de qualité en un temps record. En pleine croisade contre la "mal-bouffe", il ne faudrait pas mettre toute la bouffe-minute dans le même sac : de toute façon, ça existe pas des sacs aussi grands.

L'Orient-Express est de ces petites échoppes qui sentent bon la graisse frite. Il n'y a pas si longtemps, il ne s'y mélangeait pas encore le délicieux parfum de la pizza et du panini. À présent, c'est un peu comme si, à deux pas de la Gare du Nord, on voyageait entre la divine Italie et la Syrie mystérieuse. Ici, pas besoin d'être collet-monté : vous aurez la joie pittoresque de commander votre boustifaille au milieu des clochards et des drogués, qui vous demanderont parfois deux, trois frites ou un coup du litron de rouge que vous avez sous le bras. Ne vous démontez pas, faites un bon bras d'honneur du bout de vos moignons, et on verra bien ce qu'ils trouveront à y redire !

Passons au choix des plats. Je vous avertis, vous avez l'embarras du choix. Aimez-vous les merguez ? Prenez un sandwich merguez-frites. Préférez-vous les boulettes de viande ? Eh bien Madame, prenez donc un sandwich boulettes-frites, qui vous en empêche ? Pour vous Monsieur, qui aimez tant les frites, contentez-vous donc d'une bonne barquette de frites bien chaudes et toutes jaunes. Omelette-frites, steack haché-frites, thon-frites, tout le monde y trouvera son compte. Hmmm… J'en vois qui se lèchent les babines.

Maintenant que vous avez commandé, vous vous attendez sûrement à une longue attente. Pour vous distraire vous avez bien emmené votre corde à sauter, mais le temps que vous vous décidiez s'il ne vaudrait pas mieux entamer une marelle avec les SDF, le serveur vous tend votre sac odoriférant d'un air presque aimable. Payez-le, n'oubliez pas. Ça ne se fait pas de partir sans payer. Ou bien, courez très très vite. Dans ce cas n'oubliez ni votre corde à sauter, ni votre bouteille de rouge, ni votre sandwich aux frites.

Car nous voilà en possession de la spécialité maison : le sandwich frites-frites. Emballé dans un papier qui révèle par ses bonnes taches lipidiques le festin que vous allez faire, il sent comme le terrier maternel. Soudain c'est un sentiment de nostalgie qui vous comprime le cœur. Heureusement, vous vous ressaisissez aussitôt, et entamez votre bon sandwich aux frites, avant qu'elles soient froides. Certains puristes estiment que le sandwich est fait pour être mangé tel quel, sans qu'on touche à sa garniture. Ce sont des manières de snob. Mettez-y donc les doigts, personne, ou presque, ne vous dira rien.

Alors ?… Qu'est-ce que je vous avais dit ? C'est pas bon, ça, hein ? petits coquins, vous avez déjà tout mangé, et vous crevez encore la dalle. Eh bien, si jamais vous vous êtes comprté à peu près correctement tout à l'heure, je suis sûr que vous pouvez retourner sur vos pas, et recommander un de ces délicieux petits plats mitonnés avec amour !

L'Orient-Express,

ouvert tous les jours jusqu'à pas d'heure,

compter 15 francs pour un sandwich merguez-frites, 14 pour une barquette raisonnable



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