LOUIS ALEXANDRE,

UN ESTHÈTE DE NOTRE TEMPS

 

"L'hygiène corporelle est une infamie réactionnaire", nous déclare-t-il sans ambages.

Lorsqu'on décide d'aller à la rencontre de Louis Alexandre, on est surpris par son cadre de vie. C'est dans son coquet loft de la rue de Bratislava (Hauts-de-Seine) qu'il nous reçoit. "Faites pas attention au désordre. J'ai quelques papiers à classer, mais vous trouverez bien une place. (rires)" Il nous propose bien gentiment un verre de Cacolac, qu'il nous apporte avec une paille. "Ça vous dérange pas, j'espère, si on partage le chalumeau ? J'en ai plus qu'un." Devant notre moue écœurée, nous voyons que nous ne nous sommes pas trompé d'adresse. "Non mais dites donc ! Vous êtes ici pour quoi faire, hein ? Je croyais que vous vouliez voir le champion de sculpture sur crasse !!" Nous, tout penaud, acquiesçons en buvant au goulot de la bouteille. Aussitôt calmé de notre bonne foi et de nos manières adorables, Louis s'adoucit et s'asseoit sur une pile de vieux Ouest-France. L'entretien peut commencer.

Une préoccupation de tous les instants : rester sale

"Avec moi, la bourgeoisie en prend pour son grade. Faut dire que je lui suis pas destiné, moi, au moins. C'est pas comme tous ces fils de cadre qui déménagent tous les matins, toujours en vacances, à l'étranger, à glander pendant qu'y en a qui triment !!!" À grand peine nous refreinons les mouvements convulsifs de ses bras qu'il agite de bas en haut, et nous osons lui parler de ce qui fascine tous les Hauts-de-Seine : comment peut-on être aussi sale ? "Ahlàlà ! C'est pas facile ! D'abord, il faut jamais se laver. T'entends ? JAMAIS !! Alors pour pas succomber à la tentation, j'ai rempli mon lavabo et ma baignoire de vieux papiers jamais lus. Comme je suis allergique aux journaux et qu'en plus j'arrive plus à lire de près, je risque pas de m'en approcher !! (rires) Ah, ben non alors !!"

Le défi

Mais n'y a-t-il jamais eu de plaintes, à propos des odeurs ? "Une fois dans le métro, quelqu'un m'a fait une réflexion. Je sais qu'c'est pas marrant, dans le métro, quand y en a un qui pue des pieds… Mais la plupart du temps, il y a pas trop de monde autour de moi. Moi j'comprends pas ces histoires d'heures de pointe. On trouve toujours une rame de vide, si on le veut." Et pour le travail ? Personne ne lui pose de question ? "Mais ils me connaissent, les potes de la boîte ! Ils savent bien que j'essaie de battre le record. Ce qu'ils savent pas, c'est que dès que je l'aurais le record Guinness, je me laverai pas plus. Moi la crasse, j'ai ça dans les tripes. Alors j'ai lié l'utile à l'agréable : je pue pour le record, et surtout pour le plaisir. Haha !" Mais… Qui détient pour l'heure ce prestigieux record ? "Pfffou… C'est une vieille, du côté de Bordeaux. Le temps que je la rattrape celle-là ! Ça fait 79 ans et quelques qu'elle s'est pas lavée, certificats d'huissiers à l'appui et tout. Il paraît que depuis ce temps sous une aisselle elle a gardé un trait de stylo à encre, qui s'en va au premier rinçage. Remarquez, moi, sous ma barbe, j'ai bien d'autres surprises…" Ah ? Et lesquelles ? "Surprise ! Vous verrez bien, au moment du contrôle d'huissier."

Adieu !

C'est sur ces mots plein d'enthousiasme que nous laissons Louis Alexandre boire bruyamment son Cacolac à travers son chalumeau de collection. Bonne chance, cher Maître !

 

Louis Alexandre tel qu'il rêve de devenir (image de synthèse)

 

Propos recueillis par Empateuf Baloche, en quarantaine en Angleterre pour désinfection.

 

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