ECONOMIE :
L'EXUBERANCE IRRATIONNELLE DES MARCHES
par Excelsior,
Passionaria,
Lectrice assidue de Viviane Forrester,
Membresse fondatrice du comité Attac du Journal des Savants

À l'heure où les marchés s'envolent et les bulles spéculatives enflent, faisant redouter une nouvelle crise (dont certains aimeraient bien qu'il y en ait à nouveau), il est temps de se reposer un instant, de se retourner sur un passé récent, et de s'interroger: comment en est-on arrivé là? Que faire pour remédier à cette situation périlleuse?

Il n'y a pas de recette miracle, nous déclare le spécialiste des marchés Alain Vertspan. Selon ce théoricien du comportement de marché, "tout ça s'explique par des conflits d'intérêt très simples : des gens vendent, d'autres achètent. Résultat: ça papote sec pour fixer les prix." Rien que de très ordinaire semble-t-il. Et pourtant... 
 

 

Oui pourtant, l'homme, la femme et le lapin de la rue n'y retrouvent pas forcément leur compte. Comment comprendre l'envolée du prix de certains produits tandis que d'autres plongent? Pourquoi ces tensions inflationnistes qu'on discerne un peu partout dans le monde libre (Etats-Unis et Europe communautaire)? Surtout, comme l'exprime avec ses mots simples Viviane Forrester, "pourquoi que les riches untralibéraux y font du mal aux pauvres, bouhouhou?!" Décidément, monsieur Vertspan, vos explications mériteraient d'être complétées... Adressons-nous plutôt aux penseurs économiques de notre temps. Visant au plus haut, le Journal des Savants a entrepris de s'adresser au plus grand d'entre eux (après Raymond Barre) : 
Alain Minc

Excelsior : Bonjour monsieur Minc.

Alain Minc : Hmm ?

Excelsior : Je dis : bonjour monsieur Minc. Je suis la lapine en peluche qui a pris rendez-vous pour un entretien.

Alain Minc : Ah, oui je me souviens. Attendez, je finis un truc... (il coche fébrilement des endroits d'une page du grand quotidien européen Le Monde) Un instant je vous prie... (Il réfléchit, se balance sur sa chaise. On sent la concentration. L'intelligence au travail.) Hmmm... (Songeur, monsieur Minc continue de gratouiller sur une des pages centrales du journal. On comprend qu'il s'agit là d'une activité quotidienne en même temps que fondamentale chez lui) J'y suis presque, vous patienterez bien quelques instants, mademoiselle?

Excelsior : Madame. 

Alain Minc : Madame? Comme c'est dommage. 

Excelsior : Madame Baloche. Je suis l'épouse de Monsieur Empoteuf Baloche. Nous vivons heureux et avons beaucoup d'enfants.

Alain Minc : Hmmm... (Monsieur Minc se replonge dans sa méditation transcendantale) "Petite bête mignonne avec deux longues oreilles", en cinq lettres. Vous avez une idée ?

Excelsior : ?!

Alain Minc : Non, bien entendu. Bon, on reprendra plus tard. (Monsieur Minc pose son grand quotidien de référence, et nous accorde un des sourires charmeurs qui ont fait sa renommée.) Je vous écoute, ma belle dame.

Excelsior : Je vous en prie, je suis une matronne respectable. Un peu de tenue voyons. Que pensez-vous de l'actuelle exubérance des marchés.

Alain Minc : Je suis personnelleement convaincu qu'elle est... Comment dire? Irrationnelle. Voilà. Mais notez que cet avis n'engage que moi. 

Excelsior : Fascinant. Pourriez-vous développer? 

Alain Minc : Eh bien, voyez-vous... De tous temps, l'Homme... Comme disait Spinoza, "connais-toi toi-même, et tout ira mieux dans ta ptite tête", et c'est pourquoi... (regardant sa montre) Oh, mais le temps passe, il faut que je vous quitte. Vous savez, les grands conseillers occultes comme moi sont très sollicités. Je suis dé-bor-dé.

Excelsior : Mais enfin... J'avais réservé il y a trois semaines pouir dix minutes d'entretien, c'est quand même pas pour vous voir faire des mots croisés dans un journal de merde, non?!

Alain Minc : Si.

Excelsior : Mais pourquoi?!

Alain Minc : J'adore avoir du public pendant mes activités intellectuelles. En revanche, pour le reste, je préfère l'intimité familiale. Ainsi il faut que je vous quitte pour aller assister à mon cours de Squash burkinabais. 

Excelsior : Alors une dernière question pour la route: faut-il encore acheter sur les marchés?

Alain Minc : Plus que jamais! Mais aussi vendre, si le besoin s'en fait sentir! C'est selon les opportunités, mais c'est un sacré challenge! Allez, à bientôt ma toute douce!

Et le grand patron s'envole héliporté depuis sa terrasse vers de nouvelles aventures...

Pour tous les déconnectés de la vie moderne, pour tous ceux que la mondialisation a laissés sur le bord de la route, l'exubérance irrationnelle des marchés est une chance inespérée de rattrapage. A l'heure où la France rattrape enfin son retard en la matière (grâce à l'Al Gore de l'économie hélas temporairement indisponible, nous voulons parler de Dominique Strauss-Kahn), les plus demeurés peuvent s'accrocher au train en marche. Pour cela rien de plus simple:
Une fois que les marchés à l'exubérance folle cessent, c'est-à-dire vers 14 heures, et que l'exubérance retombe en un rangement soudain bien rationnel des présentoirs et des cageots à légumes, présentez-vous la bouche en cœur devant les étals de poissonnerie et de marchandes des quatre saisons. "S'il vous plaît Madame, vous pouvez me donner un petit bout de poisson? C'est pour mon vieux père grabataire qui peut plus se déplacer et qu'est agoraphobe!" Si avec un tel truc vous ne recevez pas une douzaine de têtes de truites en offrande, c'est à désespérer de l'humanité. N'hésitez pas dans le cas contraire à le signaler au bureau de SOS racisme le plus près de chez vous. Si le malandrin s'obstinait à ne rien vous donner en brandissant son hachoir à écailles, tentez le coup suprême: "Chuis un esclu, j'ai même pas internet ni de portable, mes pompes datent des soldes de la saison passée, s'il vous plaît juste une tranche de saumon fumée!" Mais surtout, surtout, ne tentez jamais de tels coups aux heures de pointe. Il pourrait vous en cuire. Ne vous étonnez pas, dans le cas contraire, si vous devenez la nouvelle victime de l'exaspération irrationnelle des maraîchers.



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