CULTURE :
REOUVERTURE DU CENTRE D'ART CONTEMPORAIN
par Angoreuf,
petite bête parisianiste,
remplaçant au sein de l'équipe de France de bridge

  Après plusieurs dizaines de mois de fermeture, le musée d'Art contemporain a enfin rouvert ses portes. Tous les aficionados vont pouvoir s'y ruer à nouveau, s'ils n'étaient pas présents au cocktail de réouverture (les ploucs!). 

On y retrouve avec joie tout ce qui faisait la splendeur de ce lieu, dessiné par l'architecte Renzo Kolhaas dans les années 70. Laissez-vous transbahuter à bord des nacelles de l'entrée jusqu'au sommet du bâtiment, d'où vous pourrez revoir cette perspective si neuve et si belle sur Nevers. Car malgré certaines propositions de députés et d'acteurs de la vie socio-culturelle, le musée n'a pas été déplacé à Jarnac, comme il en avait été question un bref instant. "Ce n'est pas qu'on n'aurait pas voulu, en plus ils ont un bon petit pineau des Charentes là-bas, nous a déclaré Amédée Sweetpudding, responsable de la communication du Centre, mais le transport de la grande statue de bronze représentant le Chancelier allemand s'est avéré trop coûteux." Nous n'en regretterons rien, puisque la splendide vue sur les Alpes à main droite et sur la Manche à main gauche réjouit pleinement les yeux et le cœur mieux qu'aucun cognac ne le pourrait. Et puis, la statue du Chancelier se marie tellement bien au paysage rural de cette partie de Bourgogne, qu'on aurait regretté son départ dans la population. "Mon chien y est terriblement attaché, ce serait scandaleux si je devais aller le faire pisser à l'autre bout de la France", nous a déclaré un autochtone. "On est sûr de retrouver son chemin quand on est dans la forêt, même la nuit puisqu'ils ont illuminé la statue. C'est comme un phare, d'ailleurs ça a la même forme" a révélé le guide officiel en forêt des Carnutes. 

Mais ne nous arrêtons pas aux deux symboles du bâtiment post-moderne. Le Chancelier et la perspective sur la Sambre figurent certes avec trois étoiles dans le Guide Vert de Michelin , mais les salles du musée y sont également en bonne place! La mésaventure survenue aux collections permanentes, pour tragique qu'elle ait été, n'en présente pas moins un avantage considérable : les salles sont très aérées, on y circule sans le tumulte d'antan et surtout sans risquer de renverser les pièces de collection à chaque fois qu'on se retourne lorsqu'on est un peu rondelet. Rappelons que la totalité des œuvres du sculpteur camerounais Mamadou-Jules Bousquet, fleuron du musée, a été totalement anéantie par un bref passage dans une fonderie. Le gardien de l'entrepôt des collections, pris de boisson au moment des faits, n'a jamais pu dire exactement ce qui était arrivé lors de ce drame pour la culture-world. Il semble que des ferrailleurs soi-disant esthètes aient pris la décision de mener cette action punitive. On pensa évidemment à l'époque à une rivalité sournoise et à une action de jaloux congénitaux. C'est donc privé de ces joyaux que le musée de Nevers a rouvert, mêlant en nous les sanglots et la joie. Mais l'ouverture simultanée de la succursale de Boulogne-sur-Mer nous console pour partie (voir encadré ci-dessous).

La visite s'effectue donc dans de vastes pièces vides (si l'on excepte la piétaille des visiteurs), où l'on peut admirer ses propres souvenirs du temps où la monumentale "Attaque des armées romaines par les sauterelles" trônait ici, ou encore l'imposante "Conflagration thermonucléaire, suivie d'une fusion froide dans l'intestin grêle d'un mammouth nain" se nichait dans les deux ares de cette pièce-là. Les murs sont disposés exactement de la même manière, de sorte que les souvenirs affluent sans qu'on les presse. Naturellement, pour les péquenauds qui n'auraient pas visité ce musée du temps de sa splendeur, tout ceci ne serait peut-être pas très évocateur, mais il reste toujours assez de nostalgiques authentiques ou non qui récitent à voix haute leurs souvenirs de cette époque faste. Aussi est-il impossible de sortir de là sans connaître et avoir éprouvé tous les sentiments obligatoires y afférents. C'est pourquoi tout lapin qui se respecte (même s'il est le seul) se doit d'aller verser une larme de nostalgie et de bonheur retrouvé dans l'enceinte du musée d'Art contemporain de Nevers.
 

Le musée d'Art de Nevers est ouvert tous les jours de 10 heures à 12 heures trente. 
Le prix de l'escalade du Chancelier n'est que de 75 francs. Prévoir cordes et matériel d'alpinisme. 
Possibilité de couplage de visite du musée avec nacelles hélitreuillées le long de la façade. 
N'oublier pas de visiter les curiosités touristiques de Nevers. 
Le Musée se trouve en face de la mairie, juste à côté de la célèbre auberge.
La succursale de Boulogne-sur-Mer a ouvert ses portes en même temps qu'on rouvrait celles de la maison mère. Le président Chirac, qui a procédé aux deux inaugurations à nos côtés, a dû se livrer à un va-et-vient très divertissant par hélicoptère entre les deux villes. En présence de Mamadou-Jules et du consul du Gabon, les salles de photos des anciennes pièces de bronze ont été dévoilées à la curiosité d'un public trié sur le volet. 

Malgré l'admirable travail de reconstitution, il faut bien avouer que ce musée ne restitue qu'une partie de l'œuvre du Maître. Il est difficile de reconnaître par exemple la formidable "Noria de kamikazes japonais s'abattant sur Tchernobyl" dans la photo format carte d'identité qu'on nous propose, même si l'intention est très louable. Le conservateur du musée, le professeur Delerm, nous a assuré que de plus grands clichés étaient disponibles, mais qu'outre l'étroitesse du lieu qui lui a été imparti (la cave de l'appartement du troisième étage gauche du 3 bis, rue des Alligators), "il est préférable de montrer de toutes petites choses, qui laissent le champ libre à l'imagination et à la beauté". Ce en quoi nous sommes bien d'accord.

Rappelons qu'à l'occasion de cette cérémonie du souvenir, le président Chirac a enfin reconnu la responsabilité de l'État français dans la tragédie de la destruction des œuvres de Mamadou-Jules. "Ils ont fondu les statues, qui sait s'ils ne fondront pas des mottes de beurre?" s'est interrogé gravement le Président de la République. Le MRAP a exprimé sa "satisfaction", tout en soulignant la "lenteur" des indemnisations aux ayant-droits et le caractère "tardif" de cette repentance.
 

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