CINEMA :
LE DECES DE JOHN BERRY, ARTISTE
par Entropeuf,
Critique de cinéma,
Lecteur des Inrockuptibles.


 
Nous avons la douleur de vous faire part du décès du dernier monstre sacré d'Hollywood sur Seine. Je veux bien sûr parler de John Berry. Ce grand du cinéma restera avant tout comme l'un des plus grands réalisateurs Franco-Américain. Ici c'est le moment de rappeler que John a courageusement fui le maccarthisme détestable, ce qui a brisé sa carrière prometteuse. C'est sous nos latitudes que le grand monsieur a succombé à une pleurésie. Mais à sa décharge, signalons qu'il avait 82 ans.

Ces jours sont trop douloureux pour que nous nous appesantissions trop sur ce qui faisait le génie de cet homme polyvalent. Rappelons quand même quelques éléments de sa filmographie : avec Ca va barder ! en 1955, Berry signe un de ces grands polars psychanalytiques comme on n'en fait plus, et comme on n'en avait jamais fait. Le héros, Riton-la-malice, décide un jour de piller une tirelire. Mais les choses ne l'entendent pas de cette oreille... C'est un triomphe, et le film remporte cinq oscars. Aussitôt l'infatigable John enchaîne avec une fresque historique en deux parties racontant la vie du Christ en parallèle avec celle de Madame Récamier : ce sont les deux fameux Je suis un sentimental et Oh que mambo ! Le public est plus réservé, la critique reste enthousiaste. La scène où le Christ prend un cachet d'aspirine pour passer ses maux de tête est resté dans toutes les mémoires. Après un passage à vide, John Berry renoue avec le succès dans les années 80. Ce jeune homme de 70 ans signe deux petites merveilles d'humour et de finesse : le Voyage à Paimpol, évocation rohmerienne de la poésie du ramassage des ordures en Basse-Saxe, et surtout l'immense et tendre Il y a maldonne, où le talent de Berry éclatait dans sa façon de filmer la lente dégringolade d'une brique de lait du haut d'un toboggan géant. Que les cinéphiles se rassurent : John Berry, malgré la maladie, l'âge et ses difficultés à aligner deux idées, avaient entrepris le tournage d'un grand film franco-sud-africain, et selon nos informations la sortie de cet ultime opus devrait avoir lieu au cours de l'année 2000. Souhaitons que cette sortie ne soit pas l'occasion de critiques sur le montage inachevé par le Maître, comme lors de la mort de l'avant-dernier Grand Monstre Sacré du 7e art, Stanley Kubrick.

Il ne nous reste que nos yeux pour pleurer. Et encore, Andouilleuf n'en a plus qu'un. Maintenant que les meilleurs s'en sont allés, rappelons pour nous remonter le moral et retrouver foi en l'avenir la maxime que John aimait à rappeler sur le tournage des films où il faisait parfois l'acteur chez d'autres réalisateurs, comme pour le magnifique Hantise : On ne peut pas péter contre le tonnerre.

Non. On ne peut pas. Preuve ontologique de l'existence de Dieu. 

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